La brève juridique N°72

La brève juridique N°72 parue le 07 / 09 / 2020

 

 

 

Durant l’été les vengeurs masqués de la commande publique ont œuvré à la relance économique nationale « post-état d’urgence ». Aux titres des opérations commando du gouvernement, une proposition de loi au soutien du critère géographique, associée à la publication de nouveaux seuils de dispense de procédure.

Votre mission, si vous l’acceptez ? Des achats au service de la relance ! Le sénat rappelle les objectifs affichés par les mesures issues des « ordonnances COVID ».

 

 

Une proposition de loi en faveur du critère géographique 

 

La préférence locale, le critère de proximité, le critère géographique… Autant d’appellations pour désigner la volonté récurrente de favoriser le tissu économique local dans les marchés publics.

 

C’est une question qui revient tous les 6 mois, quelle place pour la préférence locale dans les marchés publics ? En février dernier le gouvernement a déjà pu apporter une réponse dans le cadre des questions/réponses ministérielles. Et pour rappel la réponse formulait que les principes constitutionnels de la commande publique et les principes de non-discrimination et de liberté de circulation des personnes énoncés dans les traités de l’UE font obstacle à la prise en compte d'un critère géographique dans l'attribution des marchés publics.

 

Cette fois, c’est sous l’égide de la crise sanitaire qu’une proposition de loi tente d’inclure ce critère géographique dans la passation des marchés.

 

Les auteurs de la proposition mettent en avant la nécessaire relance économique et les difficultés rencontrées particulièrement par les PME. Ils estiment qu' « il est donc utile de permettre, de manière temporaire et en réaction au biais concurrentiel introduit par la crise sanitaire, d'inclure un critère géographique dans la passation par les autorités adjudicatrices des marchés publics ».

 

Une proposition bornée dans le temps et dans l’espace…

 

Les dispositions de la loi s’appliqueraient pour les marchés conclus pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à l’expiration d’une période de 18 mois à compter de la fin de cet état d’urgence, ET, uniquement pour les marchés inférieurs aux seuils européens.

 

1ère proposition : les acheteurs pourraient imposer qu’une part minimale pouvant aller jusqu’à 25% du nombre d’heures nécessaires à l’exécution du marché, soit effectuée par des personnels domiciliés à proximité du lieu d’exécution, dans un périmètre qu’ils déterminent.

 

L’exposé des motifs précise qu’un tel dispositif existe déjà pour l'outre-mer en vertu des articles L. 2691-1 et L. 2691-2 du code de la commande publique. Ce dernier vise à lutter contre le chômage des jeunes dans un environnement géographique clairement défini et sujet à des contraintes spécifiques, sans que sa conformité aux normes constitutionnelles et conventionnelles n'ait été contestée.

 

Ainsi, la proposition de loi vise à appliquer le même raisonnement à un périmètre temporel clairement défini - l'après-crise covid - au regard des contraintes spécifiques auxquelles sont confrontés les circuits économiques locaux.

 

2ème proposition : il est également envisagé l’ajout d’un critère complémentaire de proximité géographique. Pour cela les auteurs précisent qu’il s'agirait d'un « simple ajout au faisceau des critères possibles, sans exclusion de principe des entreprises non-locales ». Pour les auteurs de la proposition de loi cette mesure semble « opportune au moment où les conditions de mobilité des acteurs économiques restent incertaines, et où un impératif de sécurité sanitaire incite toujours à limiter les déplacements qui pourraient contribuer à la circulation du virus ».

 

Concernant les étapes de la discussion, le texte a pour l’instant été déposé au Sénat le 3 juillet dernier. Travaux de commission, séance publique et 1ère lecture à l’Assemblée Nationale sont encore à venir.

 

A la lecture de cette proposition de loi, ce que l’on peut en dire…

Concernant le 1er dispositif, il vise à imposer un minimum de personnes domiciliées à proximité du lieu d’exécution dans l’esprit d’une clause d’insertion ponctuelle. Pourquoi pas ?

Concernant la 2ème suggestion, cela semble plus délicat puisqu’à maintes reprises le critère géographique a été retoqué, jugé non conforme aux principes d’égalité et de libre circulation. Sachant qu’il existe d’autres mécanismes et critères pour favoriser le tissu local ; les approvisionnements directs, la rapidité de l’intervention du prestataire…

Affaire à suivre…

 

 

Proposition de loi tendant à adapter les règles de passation des marchés publics locaux aux conséquences de la crise sanitaire   

 

 

Publication de nouveaux seuils de dispense de procédure

Ils l’envisageaient…

Le 17 juin 2020, le ministère de l’économie et des finances envisageait « une analyse juridique approfondie » sur le possible relèvement du seuil de dispense de procédure fixé à 40 000 euros, comme mesure supplémentaire d’assouplissement des règles de la commande publique, dans un contexte économique fragilisé par la crise sanitaire.

C’est chose faite !

Le décret n°2020-893 du 22 juillet portant relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux et de fourniture de denrées alimentaires vient d’être publié au journal officiel du 23 juillet.

Ainsi, cette mesure réglementaire prévoit deux dispositions de relèvement du seuil de dispense de procédure, contribuant à la relance économique :

•         Elle relève le seuil à 70 000 euros HT pour la passation des marchés publics de travaux conclus avant le 10 juillet 2021.

•         Elle relève le seuil à 100 000 euros HT pour les fournitures de denrées alimentaires produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire et livrées avant le 10 décembre 2020.

Il est à noter qu’en cas d’allotissement du marché, cette règle est applicable lot par lot, à condition que le montant cumulé des lots dispensés de procédure n’excède pas 20% de la valeur totale estimée de tous les lots, et que le montant de chacun de ces « mini lots » soit inférieur à 70 000 euros pour les travaux, et 80 000 euros pour la fourniture de denrées alimentaires.

Depuis le 24 juillet les acheteurs sont absous de formalisme juridique pour les achats inférieurs à ces seuils par la conclusion de marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable pour répondre à leurs besoins.

Afin de satisfaire l’impératif d’urgence économique, sans détérioration de l’impératif de sécurité juridique, il est précisé que « les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin ».

 

Il relève donc de la libre appréciation des acheteurs de faciliter l’accès aux contrats publics pour les entreprises par la mise en œuvre de ces dispositions, tout en respectant les règles édictées par les principes constitutionnels de la commande publique

Décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020 portant relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux et de fourniture de denrées alimentaires

 

La commande publique au service de la relance

Le soutien aux entreprises est une priorité, le gouvernement en veut pour preuve les ordonnances du 25 mars et du 17 juin 2020.

Rappelons que l’ordonnance du 25 mars a permis d’adapter, un peu, la commande publique pendant l’état d’urgence, tandis que l’ordonnance du 17 juin prévoit pour l’avenir proche des aménagements pour faciliter l’accès des PME à la commande publique.

Un assouplissement pour la candidature des entreprises en difficultés

Le code de la commande publique prévoit que sont exclues de la procédure de passation des marchés les entreprises admises à la procédure de redressement judiciaire et qui ne justifient pas avoir été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché.

L’article 1 de l’ordonnance revient sur cette disposition et l’assouplit, permettant ainsi aux entreprises qui bénéficient d’un plan de redressement à se porter candidates aux contrats de la commande publique. Ces dernières ne peuvent être exclues pour ce motif de redressement judiciaire. Il semble ainsi que cette disposition ne considère plus la condition de la durée d’exécution du marché.

La loi du 17 juin prévoit dans son article 38 - unique article à intéresser la commande publique - qu’un acheteur ne pourra pas résilier de manière unilatérale un marché public au seul motif que le titulaire est admis à la procédure de redressement judiciaire. Toutefois l’article précise que « le présent article est applicable aux marchés publics conclus par l'Etat et ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ». Autant dire que cela limite quelque peu le champ d’application de cette disposition.

Un dispositif en faveur des PME pour les contrats globaux

En général, pour favoriser l’accès des PME à la commande publique, on met en avant l’allotissement. Cette fois il est question de l’exception. En effet, l’article 2 de l’ordonnance prévoit que tous les contrats globaux (conception-réalisation, marchés globaux de performance et marchés globaux sectoriels ) - qui font exception au principe d’allotissement -  doivent prévoir une part minimale de l’exécution du marché que le titulaire s’engage à confier directement ou indirectement  à des PME ou à des artisans. Cette part minimale est d’au moins 10% du montant prévisionnel du marché. La part du marché qui doit être confiée à une PME doit en outre faire l’objet d’un critère d’attribution.

Le rapport au président de la République qui accompagne cette ordonnance précise que la période de relance de l'économie après l'épidémie de covid-19 pourrait s'accompagner d'un fort recours à des marchés de ce type. Etendre ce critère à l'ensemble des contrats globaux du CCP permettrait de soutenir les PME fragilisées par cette crise en leur facilitant l'accès à ce type de contrat.

Ces dispositions sont applicables pour un an suivant la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 10 juillet 2021.

La baisse du chiffre d’affaires issue de la crise sanitaire ne doit pas être prise en compte

Dans le cadre de l’examen des candidatures, et notamment de la capacité économique et financière des entreprises, l’ordonnance dans son article 3 dispose que les acheteurs ne doivent pas tenir compte de la baisse du chiffre d’affaires intervenue au titre du ou des exercices sur lesquels s’imputent les conséquences de la crise sanitaire.

Cette dernière disposition s’applique jusqu’au 31 décembre 2023.

Pourtant, malgré l'objectif affiché du gouvernement de favoriser l’accès à la commande publique des petites et moyennes entreprises, lorsqu’il est question des entreprises innovantes, ces dernières peinent encore à trouver leur place dans l’achat public.

Il sera donc intéressant de suivre l’utilisation que feront les acheteurs publics de ces quelques mesures et de leurs impacts réels sur les entreprises et la relance de l’économie.

QR n°17413 Commandes de marchés publics, publiée au JO du Sénat, le 03/09/202 Ordonnance n°2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique / Article 38 de la Loi n°2020-374 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne 0

 

 

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