La brève juridique N°73

La brève juridique N°73 parue le 08 / 10 / 2020

Si dès le début de l'automne, les feuilles passent par toutes les couleurs avant de tomber, c'est pour préparer l'arbre à l'hiver… et en matière de commande publique, le changement s’opère également, et les couleurs sont des amendements.

 

Tandis que les amendements tombent et se multiplient sur le terreau des marchés publics la réforme des CCAG se fait désirer et résiste jusqu’au printemps.

 

Le projet de loi ASAP, vers un accès facilité à la commande publique ? 

 

Destiné à accélérer et simplifier l’action publique, le projet de loi ASAP (Accélération et simplification de l’action publique) pourrait être l’un des moteurs facilitant l’accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique. L’adoption prochaine du texte, en l’état, serait un complément important au plan de relance de 100 milliards d’euros présenté en Conseil des ministres le 3 septembre 2020.

 

Avec un tel nom, on pouvait s’attendre à une promulgation expresse de la loi, d’autant que la procédure accélérée a été engagée par le parlement. Si la crise sanitaire a quelque peu ralenti le processus démocratique, les derniers débats parlementaires ont fait naître des modifications intéressantes avec de nombreux amendements.

 

Le projet de loi prévoit ainsi plusieurs dispositions importantes en matière d’accès à la commande publique. 

 

→ La notion d’intérêt général comme cas de dispense des règles de mise en concurrence

 

Matérialisant la réponse à différentes questions ministérielles l’amendement n°652 propose purement et simplement d’ajouter aux exceptions à la mise en concurrence « le motif d’intérêt général ». L’exposé sommaire lié à l’amendement évoque les différents objectifs poursuivis. L’accès des petites et moyennes entreprises, mais aussi la relance de secteurs économiques sinistrés, en constituent les principaux :

 

« La mesure proposée vise à ajouter l’intérêt général comme cas de recours possible à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence. Il devrait notamment permettre de renforcer le tissu économique des territoires en facilitant la conclusion des marchés avec des PME qui n’ont souvent pas les moyens techniques et humains pour s’engager dans une mise en concurrence ».

 

Le législateur, sous l’impulsion des ministères à l’origine du projet, invite donc les acheteurs à devenir pleinement acteurs de la relance en sollicitant directement des entreprises implantées sur le territoire.

Dès lors, le dialogue entre acheteurs et entreprises précédant le déclenchement de l’achat pourrait devenir incontournable.

 

→ Vers une extension des marchés réservés aux PME

 

L’amendement n°1113 prévoit également de généraliser à tous les contrats globaux du code de la commande publique (marchés de conception-réalisation, marchés globaux de performance, marchés globaux sectoriels) l’obligation pour l’acheteur de s’assurer que le titulaire réservera une part minimale de l’exécution de ces contrats à des PME ou à des artisans.

 

Un nouveau seuil temporaire pour les marchés de travaux fixé à 100 000€ HT

 

Déjà relevé à 70 000 € par un décret du 22 juillet dernier, l’amendement n°1106 prévoit que jusqu’au 31 décembre 2022 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 €HT.

 

Les députés à l’origine de cet amendement estiment qu’en faisant l’économie de délais contraints et des formalités couteuses inhérentes à la procédure de passation d’un marché public, cette mesure profitera aux acheteurs et aux entreprises et permettra ainsi d’accélérer la relance de notre économie. La volonté sous-jacente étant toujours de faciliter l’accès des PME à la commande publique.

 

→ La considération des circonstances exceptionnelles

 

L’amendement n°651 ajoute quant à lui un nouveau livre dans le code, intitulé « dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles ». Ces nouveaux articles se positionnent dans la même dynamique que celle engagée par l’ordonnance du 25 mars 2020.

 

Ainsi, ces articles définissent des conditions d’assouplissement des règles de passation et surtout d’exécution des marchés publics en cas de circonstances exceptionnelles tels que l’aménagement des modalités de mise en concurrence, la prolongation des délais, ou encore la non application des pénalités.

Les circonstances exceptionnelles sont entendues comme étant notamment une guerre, une épidémie ou une pandémie ou encore une catastrophe naturelle ou une crise économique majeure.  

 

Autant dire que les changements attendus ne sont pas des moindres !

 

Projet de loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique

 

En parlant de changement, il y en a un que l’on attendait pour cet automne, mais qui finalement attendra le printemps…

 

La réforme des CCAG attendra le printemps !

Finalement reportée au 1er avril 2021[1], la publication des nouveaux cahiers des charges administratives générales concrétisera les différents échanges entre les acteurs de la commande publique[2] et la direction des affaires juridiques. La cellule juridique du groupe Achats solutions a été sollicitée afin d’apporter des commentaires sur différents thèmes transversaux objets de la réforme.

Pour rappel, la réforme des CCAG a pour but d’opérer une harmonisation avec les nouveaux textes de la commande publique et de dépoussiérer des thèmes transversaux comme par exemple la propriété intellectuelle, ou la prévention et le règlement des différends. Trois autres points ont fait l’objet de notre étude.

Exécution financière des marchés : vers un rééquilibrage des relations contractuelles

Les propositions avancées par la direction des affaires juridiques après concertation vont dans le sens de la recherche d’un plus grand équilibre des relations entre les acheteurs et les entreprises. Plafonnement des pénalités, consécration des mécanismes incitatifs (primes), insertion d’un taux d’avance rehaussé (notamment pour les PME), ou rappel de l’obligation d’indemniser les prestations supplémentaires rendues nécessaires, sont des exemples de la tendance annoncée pour le printemps prochain.  

La dématérialisation de l’exécution : patience !

Principal chantier de la commande publique ces dernières années, la dématérialisation tarde à pointer le bout de son nez dans les CCAG. Et pour cause, l’exécution des marchés ne fait pas encore l’objet d’obligations réglementaires. Si certaines avancées étaient néanmoins attendues, ça ne sera pas pour 2021. Quelques clauses pédagogiques liées à la facturation électronique ou encore au RGPD sont cependant prévues.

Développement durable : des dispositifs plus incitatifs

Pour systématiser le recours aux clauses sociales et environnementales, les rédacteurs de la réforme comptent utiliser deux chemins différents :

  • D’abord une nouvelle contrainte pesant sur le titulaire avec l’insertion de pénalités (dont les taux par défaut resteraient néanmoins symboliques) pour non-respect de diverses clauses environnementales,
  • Et dans un second temps l’incitation pour l’acheteur, avec l’intégration de clauses types relatives aux obligations du titulaire en matière d’insertion sociale.

 

Si la rédaction des six CCAG (un nouveau CCAG « maitrise d’œuvre » va voir le jour…) risque d’être impactée par les évolutions issues de la future loi ASAP, leur contenu devrait néanmoins être finalisé fin 2020.

S’en suivra une consultation publique sur janvier et février 2021, avant l’entrée en vigueur prévue pour le 1er avril.

Affaires à suivre !

Réforme des CCAG

 

 

 

[2] Acheteurs (services achats de l’Etat, établissements publics, départements, régions, métropoles, associations d’élus et de collectivités), opérateurs économiques (entreprises et fédérations professionnelles) et experts (avocats).

  • ©2024 SIS Marchés Tous droits réservés
  • Mentions légales
  • Plan du site
  • Recrutement
  • Sitemap
Site réalisé par