La brève juridique N°89

La brève juridique N°89 parue le 15 / 03 / 2022

De l’importance de la définition du besoin

Le code de la commande publique dispose dans son article L2111-1 que la nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation.

Une bonne définition du besoin permet qui plus est de s’assurer que l’on sait qui peut signer, ce que l’on peut verser, ou ce que l’on est susceptible de demander.

Ainsi l’actualité nous permet de refaire le point sur ce qui fait aussi partie de la définition du besoin :

  • Qui peut signer ? Gare à l’incompétence !
  • Que peut-on verser ? Si une prime est en jeu, quel montant proposer ?
  • Quelle est l’étendue du besoin ? En cas de prestations supplémentaires, le sous-traitant a-t-il droit au paiement direct ?

 

Signature d’un contrat : gare à l’incompétence !

Un contrat public se doit toujours d’être signé, mais qu’en est-il en cas d’incompétence du signataire ? La décision d’espèce illustre le cas de l’incompétence d’un adjoint au maire pour signer un marché.

Un adjoint au maire non habilité qui signe un marché…

L’un des adjoints au Maire d’une commune a donné son accord, sous forme d’une signature apposée sur un formulaire de location multi-options d’un photocopieur, à un contrat de location d’une durée de 72 mois, (donc 6 ans !) en dehors de toute procédure de publicité et de mise en concurrence et sans que le Conseil municipal ne soit invité à se prononcer sur la conclusion de la convention.

4 ans plus tard, le Maire de la commune a estimé que le contrat avait une durée excessive et était entaché d’une illégalité. Une résiliation du contrat pour motif d’intérêt général a alors été notifiée à l’entreprise.

Jugeant la décision de résiliation infondée, l’entreprise a saisi la juridiction administrative afin d’obtenir une indemnisation des préjudices qu’elle estimait avoir subis.

L’affaire ayant été portée devant la cour administrative d’appel de Nantes, il convenait de déterminer si la commune pouvait valablement résilier le contrat.

C’est la résiliation assurée !

Les juges rappellent [1] qu’en « vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant ».

Il est relevé que le Conseil municipal de la commune n’a jamais donné son consentement à la conclusion du contrat.

Or, le consentement constitue l’un des éléments de validité d’un contrat.

Par suite, il est jugé que, compte tenu de la gravité d’un tel manquement, affectant le consentement de la commune, la résiliation du contrat était justifiée et ne portait aucune atteinte excessive à l’intérêt général.

CAA de NANTES, 4ème chambre, 3 décembre 2021, 20NT02614, Inédit au recueil Lebon

 

Quand faut-il verser une prime pour la remise d’échantillons, maquettes ou prototypes ?

La Réponse du Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance en date du 15 février 2022, a rappelé le cadre juridique du versement d’une prime en cas de demande d’échantillons, de maquettes ou de prototypes aux soumissionnaires à un marché public.

Un cadre juridique contesté…

Lorsque l’acheteur exige des soumissionnaires à un marché public la remise d’échantillons, de maquettes ou de prototypes pour l’appréciation des offres, le versement d’une prime peut parfois s’imposer.

En effet, l’article R.2151-15 du Code de la commande publique dispose que les entreprises doivent bénéficier d’une indemnisation lorsqu’elles ont été confrontées à un « investissement significatif ».

D’aucuns considèrent toutefois que la notion « [d’] investissement significatif » est floue et qu’il est difficile de déterminer ce qu’elle recouvre concrètement.

Une trop large place serait laissée à la subjectivité des acheteurs qui concluraient dans la majorité des cas à l’absence d’investissement significatif, privant ainsi les entreprises de prime.

Interpellé par plusieurs organisations professionnelles ayant mis en place une pétition à ce sujet, un député a interrogé le Ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion afin de savoir si une évolution du droit était envisageable.

… Nécessitant une appréciation casuistique

La réponse ministérielle rappelle à titre liminaire que les charges générées pour une entreprise du fait de sa participation à une procédure de passation d’un marché public lui incombent, au même titre que les frais de prospection.

Il en a différemment lorsqu’il est exigé des entreprises une remise d’échantillons, de maquettes, de prototypes, ou de tout document permettant d’apprécier l’offre et que ces exigences conduisant à un investissement significatif.

Pour préciser les contours de cette notion, la Réponse indique qu’il s’agit de charges sensiblement plus élevées que celles généralement supportées par les entreprises et dont la différence, si elle n’était pas compensée, aurait pour effet de dissuader les opérateurs de participer à la procédure (en particulier, les TPE – PME).

L’appréciation concrète d’une telle situation et du montant de la prime est donc casuistique et ne peut relever que des acheteurs.

Pour ce faire, ces derniers doivent évaluer la charge induite par leurs demandes, compte tenu des pratiques habituelles du secteur concerné.

Aucune place n’est bien entendu accordée à l’arbitraire puisque la Réponse conclu ses développements en rappelant que cette appréciation se fait sous le contrôle du juge…

 

Réponse du Ministère du travail, de  l’emploi et de l’insertion, publiée au JO le 15/02/2022 page : 1001

 

Un sous-traitant peut-il prétendre au paiement direct de prestations supplémentaires ?

La réponse à cette question peut sembler évidente…dans la mesure ou le sous-traitant a droit au paiement direct lorsque le montant du contrat est égal ou supérieur à 600 euros (Article L.2193-11 du CCP et article 6 de la loi sur la sous-traitance) et que l’exécution de toute prestation ouvre droit à paiement (principe du règlement à service fait) !

Mais les choses n’étant pas aussi simple qu’elles n’y paraissent il convient de conjuguer aux notions juridiques de « sous-traitance » et de « paiement direct », celles de « prestations supplémentaires » (voir notre article sur leur indemnisation) et de « justificatif de paiement ».

Aussi, un cocontractant sous-traitant éligible au paiement direct, « a également droit à ce paiement direct pour les travaux supplémentaires qu’il a exécutés et qui ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage, ainsi que pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l’économie générale du marché, dans les mêmes conditions que pour les travaux dont la sous-traitance a été expressément mentionnée dans le marché ou dans l’acte spécial signé par l’entrepreneur principal et par le maître de l’ouvrage » (CE, 3 mars 2010, n° 304604).

Encore eut-il fallu pouvoir en justifier !

Aussi, pour prétendre au paiement direct de travaux supplémentaires, l’entreprise doit établir la réalité des travaux qui s’inscrivent dans la cadre de l’exécution du contrat, à l’appui de bons de commande, de factures ou de devis.

Ainsi, une entreprise sous-traitante de travaux, qui présente 3 bons de commande correspondant « au montant des travaux prévus par l’acte spécial de sous-traitance avec mention d’un paiement direct, ne permet pas d’établir l’existence des travaux supplémentaires dont la société requérante se prévaut ».

Les factures accompagnées de devis, présentés aux juges, « ne permettent pas davantage d’établir, en l’absence de toute référence à un bon de commande exigé par le contrat de sous-traitance ou de tout autre élément probant, si ces travaux s’inscrivaient dans le cadre de l’exécution du marché ou s’ils constituaient des travaux supplémentaires distincts de ceux prévus par les bons de commande ».

En l’espèce, les pièces produites ne permettent donc pas à l’entreprise d’établir la réalité des travaux supplémentaires dont elle demande le paiement, quand bien même son statut de sous-traitante lui ouvre théoriquement droit à paiement direct, y compris au titre de prestations supplémentaires.

Cette leçon de la CAA de Paris du 15 février 2022, n°20PA04315, rappelle aux opérateurs économiques combien il est dans leurs intérêts respectifs de formaliser administrativement et financièrement chaque prestation réalisée, y compris celles qui dépassent le cadre du contrat.

 

CAA de Paris du 15 février 2022, n°20PA04315

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