La brève juridique N°94

La brève juridique N°94 parue le 14 / 11 / 2022

 

L’entreprise qui candidate à l’attribution d’un marché public est consciente que son dossier sera passé au crible par l’acheteur.

Qui a déposé l’offre et dans quel contexte ? L’entreprise était-elle en droit de répondre de la sorte ? Sur la base de quels éléments sa candidature peut-elle être examinée ?

… Autant d’interrogations auxquelles l’acheteur doit répondre en appréciant, au cas par cas, chaque dossier qui lui est soumis.

L’opération n’est pas aisée puisque l’appréciation portée par ce dernier peut évidemment être sujette à contestations.

Trois jurisprudences récentes ont justement illustré et précisé les modalités d’appréciation des candidatures.

 

Quelle publicité pour les modalités de sélection des candidatures ?

La portée des obligations de publicité des critères de choix des offres est souvent à l’honneur. Mais une fois n’est pas coutume, c’est la publicité des critères de choix des candidatures qui a occupé la plume du Conseil d’État le 12 octobre 2022.

Les étapes « candidatures » et « offres », même dans les procédures ouvertes, sont toujours intellectuellement distinctes.

Dans les procédures restreintes, c’est par définition même que l’acheteur distingue une phase de choix des candidatures, via un guichet ouvert à tous, puis une phase de choix des offres, via un guichet restreint sur lequel ne peuvent déposer que les candidats admis à poursuivre.

Peu de règles écrites existent, la jurisprudence ayant comblé les interstices en définissant des règles bien connues pour le stade offres, un peu moins pour le stade candidatures.

 

En substance, la philosophie est la même : « assurer l’information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ».

 

En pratique, l’information appropriée des candidats – et non plus des soumissionnaires – sera nécessairement adaptée au stade auquel elle se rapporte :

  • L’acheteur doit indiquer les critères et leur pondération ou hiérarchisation, le cas échéant.
  • Il doit indiquer les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection.
  • Il doit indiquer les éventuels niveaux minimaux de capacité qu’il fixe, c’est-à-dire les seuils de capacité en-deçà desquels une candidature sera automatiquement éliminée comme insuffisante.

 

En revanche, le Conseil d’État confirme que l’acheteur n’a aucune obligation d’indiquer les conditions de mise en œuvre de ces critères – comprendre, par exemple, la méthode de notation s’il y en a une – comme pour ce qui concerne les critères de choix des offres.

 

Il précise également, l’analogie se poursuivant jusqu’au bout, que ces conditions de mises en œuvre seront par exception portées à la connaissance des candidats lorsqu’elles sont susceptibles d’influer sur la présentation des candidatures.

 

CE, 12 octobre 2022, Société Infokey, n° 464074

 

Un agent public peut-il présenter sa candidature à l’attribution d’un marché public ?

 

La question peut paraître ubuesque, tant elle confine à la réflexion de pure théorie. Et pourtant… !

Dans l’affaire d’espèce, l’acheteur était un EPCI, et l’attributaire était un agent public exerçant ses fonctions au sein d’une commune-membre.

Or, il existe, pour les agents publics, une règle de non-cumul d’activités (et des exceptions !), et que « le champ des (exceptions) ne comprend pas l’exécution d’un marché de collecte des déchets ménagers » en qualité d’autoentrepreneur, par exemple.

Le requérant évincé peut-il invoquer ce vice comme étant d’ordre public dans la mesure où la candidature de l’attributaire contreviendrait aux règles de non-cumul d’activités ?

Aucunement puisque la méconnaissance de ces règles n’est pas un « contenu » de contrat illicite, car « l’objet » du contrat lui-même n’est pas illicite…

 

CAA Bordeaux, 4 octobre 2022, n° 20BX02326

 

Comment réagir face aux candidatures en « doublon » ?

Comment l’acheteur doit-il réagir lorsqu’il a limité le nombre de lots pouvant être attribués à une même entreprise dans le cadre d’une consultation et que deux filiales appartenant à une même holding ont répondu ?

Pour apprécier l’identité des opérateurs, le tribunal administratif a repris à son compte les principes dégagés par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 8 décembre 2020 n°436532.

Pour le Conseil d’Etat, l’acheteur doit écarter des offres aussitôt qu’il est en mesure de constater leur absence d’autonomie commerciale.

L’absence d’autonomie commerciale s’apprécie au regard de deux paramètres :

  1. d’une part, l’absence totale ou partielle de moyens distincts ;
  2. d’autre part, la similarité de leurs offres (pour un même lot).

 

Appliquant ces paramètres aux faits de l’espèce, le tribunal administratif relève que les deux entreprises candidates étaient détenues par la même société holding et qu’elles étaient présidées par la même personne.

Cependant, bien que les liens paraissent étroits, ils ne l’étaient pas suffisamment pour en déduire une absence d’autonomie commerciale.

Parallèlement, il ressortait du dossier que les deux entreprises n’avaient pas la même situation géographique, disposaient de moyens humains et matériels propres et que leurs domaines d’activités étaient distincts.

Autant d’éléments qui ont conduit la juridiction à caractériser l’existence d’une autonomie commerciale.

 

TA Besançon, 16 septembre 2022, 2201418

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