La brève juridique N°96

La brève juridique N°96 parue le 08 / 06 / 2023

Lorsque survient l’attribution du contrat, après d’intenses phases d’ouverture des plis, d’examen des candidatures, d’analyse des offres et que les acheteurs pensent (enfin !) être arrivés au terme d’une longue procédure, un coup de théâtre peut parfois éclater !

Certaines embûches n’apparaissent en effet qu’après l’attribution et sont susceptibles de remettre en cause cette dernière voire même d’altérer la régularité de la procédure dans son intégralité.

Les trois jurisprudences commentées ci-dessous rappellent ainsi qu’attribution ne rime pas avec conclusion du contrat et qu’il ne faut jamais crier victoire trop vite…

  • La commission sous influence : une remise en cause de la procédure ?
  • L’invalidité des attestations de l’attributaire : une remise en cause du classement ?
  • La déclaration sans suite après attribution : une possibilité ?

La commission sous influence : une remise en cause de la procédure ?

Il est acté qu’un conseiller puisse collaborer ponctuellement avec l’un des candidats au marché, pourvu que l’égalité entre les candidats soit préservée. Ce fait ne saurait, à lui seul, caractériser un manquement à l’impartialité de la part de ces conseils extérieurs (CE, 24 juin 2011, n° 347720). Il ne doit pas fournir à certains candidats des informations privilégiées susceptibles de les avantager pour l’élaboration de leurs offres ou restreindre l’accès au marché en définissant le besoin ou les spécifications techniques (CJCE, 3 mars 2005, Fabricom SA, aff. C-21/03 et C-34/03).

En l’espèce, les trois autres candidats, mieux classés, ont bénéficié de l’assistance du maître d’œuvre lors des négociations. Ce même maître d’œuvre est celui qui avait établi pour le compte de l’acheteur les demandes de permis de construire sur la base desquels les offres devaient être élaborées.

Nous avons donc un maître d’œuvre qui a conseillé à la fois l’acheteur et les trois concurrents de notre candidat. De ce fait les Juges considèrent qu’il y a une rupture d’égalité de traitement et que l’acheteur « a pu être influencé ». Le fait que le candidat évincé aurait librement pu être également conseillé par ce même maître d’œuvre n’est pas abordé. De surcroit aucun élément factuel sur des informations privilégiées susceptible de les avantager ou sur le contenu de cette influence n’est mis en évidence. La partialité n’est pas démontrée comme exigé habituellement dans la jurisprudence [2]. Il est donné droit au candidat évincé et une évaluation du manque à gagner est ordonnée pour qu’il puisse obtenir réparation de son préjudice.

CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 03/04/2023, 21MA00626

 

L’invalidité des attestations de l’attributaire : une remise en cause du classement ?

Depuis plusieurs années déjà, la candidature des entreprises est sur l’honneur jusqu’à l’attribution effective du marché (c’est-à-dire la désignation de l’offre économiquement la plus avantageuse). D’attestations, il n’est point question. Ce n’est que l’attributaire du marché qui devra justifier d’une candidature sur pièces.

En pratique, certaines entreprises continuent de produire dès le début de la consultation leurs attestations, notamment fiscales et sociales. Certains acheteurs les invitent également, sans obligation – ce qui vicierait la procédure ! – à les remettre à un stade très anticipé.

Cette façon de procéder peut s’avérer piégeuse si l’acheteur n’est pas vigilant, ainsi qu’en atteste l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de Strasbourg.

En effet, du fait du délai écoulé entre la remise des attestations et l’attribution effective du marché, en l’espèce, le délai de validité des attestations remises était expiré. Néanmoins, l’acheteur avait tout de même signé le contrat sans requérir de nouvelles attestations à jour.

TA Strasbourg, 9 mai 2023, n° 2302706

 

Déclaration sans suite : même après l’attribution ?

La déclaration sans suite peut être prononcée à tout moment de la procédure, y compris après l’attribution, l’entreprise retenue n’ayant aucun droit acquis à la conclusion du contrat.

En l’espèce, après que l’acheteur a attribué un marché, un candidat évincé a formé un référé précontractuel aux fins d’annulation de la procédure de passation.

En réaction, l’acheteur a décidé de déclarer la procédure sans suite, ce qui a eu pour effet d’entraîner un non-lieu à statuer (et de couper court à tout débat, ou tout du moins, en apparence…).

La décision de déclarer sans suite était fondée sur trois motifs : l’incertitude quant à l’égalité de traitement entre les candidats, l’inadéquation de la méthode de notation du critère prix et la nécessité de redéfinir le besoin.

L’entreprise évincée n’entendait toutefois pas en rester là. Elle estimait que la déclaration sans suite était irrégulière car intervenue trop tardivement (après l’attribution…) et a demandé au juge l’indemnisation des préjudices prétendument subis.

Rappelant les dispositions de l’article R. 2185-1 du code de la commande publique, la juridiction rappelle que l’acheteur peut, à tout moment, déclarer une procédure sans suite pour motif d’intérêt général.

Et ce, même une fois l’attributaire désigné, lequel ne peut se prévaloir d’un quelconque droit à la signature du contrat.

L’acheteur était donc en droit de déclarer la procédure sans suite dans la mesure où la décision reposait sur des motifs d’intérêt général.

Tribunal administratif de Montpellier, 4ème chambre, 12 mai 2023, 2103330

  • ©2024 SIS Marchés Tous droits réservés
  • Mentions légales
  • Plan du site
  • Recrutement
  • Sitemap
Site réalisé par